Quand et comment parler de l'actualité aux enfants de façon adaptée ?
Publié le 22 mai 2025
10 minutes de lecture

Dans un monde où l'information circule en continu et où les écrans sont omniprésents, les enfants sont de plus en plus exposés à l'actualité, qu'elle soit locale ou internationale. Catastrophes naturelles, attentats, guerres, crises sanitaires ou sociales... Comment aborder ces sujets parfois difficiles avec nos enfants ? À quel âge est-il pertinent de les sensibiliser au monde qui les entoure ? Et surtout, comment le faire de manière constructive, sans générer d'anxiété ou de traumatismes ? Ces questions préoccupent de nombreux parents qui cherchent à trouver le juste équilibre entre protection et éducation à la citoyenneté. Accompagner les enfants dans leur découverte progressive de l'actualité constitue un défi éducatif majeur que les professionnels de la petite enfance, comme ceux d'O2, peuvent aider à relever.
Du côté des parents
Entre protection et éducation à la réalité
Les parents se retrouvent souvent tiraillés entre deux aspirations légitimes : d'une part, le désir de préserver leurs enfants des aspects les plus durs de notre monde, et d'autre part, la volonté de les préparer progressivement à en devenir des citoyens éclairés. Cette ambivalence se manifeste particulièrement face à l'actualité, parfois violente ou anxiogène. Les parents craignent que certaines images ou informations ne génèrent des traumatismes durables chez leurs enfants, tout en sachant qu'il est impossible et même contre-productif de les isoler totalement des réalités du monde.
Les adultes doivent composer avec leurs propres émotions face aux événements, tout en gardant à l'esprit que les enfants sont des "éponges émotionnelles" particulièrement sensibles aux réactions de leurs figures d'attachement. Un parent visiblement bouleversé par une actualité transmettra inévitablement son anxiété à son enfant, même sans parole. Cette conscience pousse nombre d'entre eux à surveiller davantage leur consommation d'information en présence des plus jeunes, voire à mettre en place des stratégies familiales pour filtrer l'exposition aux médias.
La majorité des parents éprouvent des difficultés à trouver les mots justes pour expliquer des situations complexes ou dramatiques. Comment parler de guerre, de terrorisme ou de catastrophe naturelle à un enfant sans l'effrayer inutilement, mais sans non plus minimiser la gravité des événements ? Ce défi de communication est d'autant plus grand que les parents souhaitent transmettre leurs valeurs tout en encourageant leurs enfants à développer leur propre réflexion critique.
Face à ces défis, beaucoup de parents recherchent un équilibre dans une approche progressive, adaptée à l'âge et à la sensibilité propre de chaque enfant. Ils aspirent à créer un environnement où les questions, même difficiles, peuvent être posées librement, et où l'actualité devient une opportunité d'apprentissage plutôt qu'une source d'angoisse.
Du côté des enfants
Des besoins différents selon l'âge
La façon dont les enfants perçoivent et traitent l'information varie considérablement selon leur stade de développement. Leur capacité à comprendre les concepts abstraits, à distinguer la réalité de la fiction et à gérer leurs émotions évolue avec l'âge, ce qui nécessite une approche différenciée.
- De 0 à 6 ans : la préservation doit être la priorité absolue. À cet âge, les enfants n'ont pas la maturité cognitive ou émotionnelle nécessaire pour mettre en perspective des événements dramatiques ou comprendre leur caractère distant ou exceptionnel. Leur pensée concrète les amène à croire que ce qu'ils voient à la télévision pourrait leur arriver immédiatement. Les images violentes peuvent créer des traumatismes durables ou générer des peurs irrationnelles difficiles à apaiser. La notion même d'actualité n'a pas de sens pour eux, et il est donc totalement inapproprié de regarder les journaux télévisés ou d'écouter des bulletins d'information en leur présence. Ces jeunes enfants captent davantage les émotions des adultes que le contenu des informations elles-mêmes, raison supplémentaire pour éviter les discussions anxiogènes en leur présence. De plus, les jeunes enfants sont centrés sur eux-mêmes et ne pourront se décentrer que plus tard. En attendant ce moment, les comportements qu’ils observent sont ancrés en eux et posent les bases de beaucoup de leurs futurs comportements en société.
- De 7 à 10 ans : les enfants commencent à s'intéresser au monde qui les entoure et peuvent progressivement être initiés à certains aspects de l'actualité, avec un vocabulaire adapté et des explications simplifiées. À cet âge, ils sont capables de comprendre des concepts comme la distance géographique ou la notion de probabilité, ce qui permet de contextualiser les événements. Les discussions peuvent porter sur des sujets positifs comme les avancées scientifiques, les initiatives solidaires ou les événements sportifs et culturels. Pour les sujets plus sensibles, les parents peuvent utiliser des supports adaptés comme la presse jeunesse qui traite l'information de manière appropriée.
- Au collège : les préadolescents développent une conscience sociale plus affirmée et s'intéressent davantage aux enjeux collectifs. Ils peuvent aborder des sujets d'actualité plus complexes, tout en étant encore préservés des images les plus choquantes ou des détails les plus traumatisants. À cette période, ils commencent à former leurs opinions et apprécient particulièrement les discussions qui valorisent leur point de vue. C'est un moment propice pour développer leur esprit critique face aux médias, en les aidant à distinguer les faits des opinions et à identifier les sources fiables.
- À l'adolescence : les jeunes sont généralement déjà exposés à de nombreuses sources d'information, notamment via les réseaux sociaux. Leur accompagnement doit alors se concentrer sur le développement d'une consommation réfléchie de l'information et la capacité à prendre du recul face au flux continu d'actualités. Ils peuvent participer à des discussions plus approfondies sur des sujets de société, exprimer leurs émotions et être encouragés à s'engager dans des actions concrètes qui font sens pour eux.
- Quel que soit l'âge : si un enfant se retrouve accidentellement confronté à une actualité difficile, la communication devient prioritaire. Les adultes doivent être disponibles pour écouter ses questions, apaiser ses inquiétudes et corriger d'éventuelles informations erronées qu'il aurait pu assimiler. Un dialogue ouvert permet à l'enfant de se sentir en sécurité malgré l'incertitude que peut générer l'actualité.
Les conseils des professionnels
S'appuyer sur l'expertise des psychologues
Les psychologues spécialisés dans l'enfance nous offrent des repères précieux pour aborder l'actualité avec les plus jeunes. Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste reconnu pour ses travaux sur les médias et l'enfance, a développé la règle du "3-6-9-12" qui propose des paliers dans l'exposition aux écrans, applicable également à l'exposition à l'actualité. Il préconise notamment de privilégier avant 6 ans les récits et discussions plutôt que les images d'actualité.
La psychologue Sophie Marinopoulos insiste sur l'importance de répondre aux questions des enfants avec honnêteté mais sans détails superflus : "Un enfant qui pose une question est prêt à entendre une réponse, mais uniquement celle qu'il demande". Elle recommande d'être attentif au niveau de détail sollicité par l'enfant et de ne pas surcharger la réponse d'informations qu'il n'a pas demandées.
Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, spécialiste de la résilience, souligne quant à lui l'importance du cadre familial sécurisant. Ce n'est pas l'événement en lui-même qui est traumatisant, mais la façon dont il est vécu et accompagné. Selon lui, un enfant bien entouré, qui peut exprimer ses émotions et poser ses questions, développera des mécanismes de résilience face aux informations difficiles.
Hélène Romano, psychologue spécialisée dans le psychotraumatisme chez l'enfant, recommande aux parents de s'informer eux-mêmes avant d'aborder certains sujets avec leurs enfants, pour pouvoir répondre de manière juste et adaptée. Elle invite également à être attentif aux signaux de détresse que pourrait manifester un enfant après avoir été exposé à une actualité troublante : troubles du sommeil, régression, jeux répétitifs symbolisant l'événement, etc.
Des outils et ressources adaptés
Pour accompagner les enfants dans leur découverte de l'actualité, plusieurs ressources peuvent être mobilisées :
- La presse jeunesse constitue un excellent intermédiaire. Des magazines comme "Le Petit Quotidien" (7-10 ans), "Mon Quotidien" (10-13 ans) ou "L'Actu" (14-17 ans) proposent une information adaptée à chaque tranche d'âge, avec un vocabulaire approprié et des explications contextualisées. "1jour1actu" offre également des vidéos et des infographies particulièrement accessibles.
- Les émissions jeunesse d'actualité comme "Info ou Intox" ou "Les Clés des Médias" permettent d'aborder l'éducation aux médias de façon ludique. Le site "France Info Junior" propose des contenus adaptés et des décryptages de l'actualité pour les plus jeunes.
Conseils pratiques pour un dialogue constructif
Un vocabulaire et une approche adaptés
Pour instaurer un dialogue constructif autour de l'actualité, plusieurs principes peuvent être appliqués :
Adapter le vocabulaire à l'âge de l'enfant. Pour les plus jeunes, utiliser des mots simples et concrets, éviter les euphémismes ou des métaphores qui peuvent créer de la confusion. Par exemple, plutôt que de parler d'attentat terroriste, on peut évoquer "des personnes qui ont fait du mal à d'autres personnes".
Doser l'information en commençant par des explications simples et voir si l'enfant demande davantage de détails. Répondre à ses questions sans anticiper celles qu'il ne pose pas.
Contextualiser systématiquement. Situer les événements dans le temps et l'espace pour aider l'enfant à prendre du recul : "C'est arrivé très loin de chez nous" ou "C'est un événement rare".
Valoriser les actions positives. Mettre en avant les personnes qui aident (secouristes, médecins, forces de l'ordre, citoyens solidaires) pour contrebalancer l'aspect négatif de certaines actualités et montrer que des solutions existent.
Être attentif aux émotions exprimées ou non. Encourager l'enfant à dire ce qu'il ressent et valider ses émotions : "C'est normal d'avoir peur quand on entend parler de ça" ou "Je comprends que tu sois triste".
Développer l'esprit critique
Pour aider les enfants à développer leur esprit critique face aux médias :
Initier au principe de vérification des sources. Dès 8-9 ans, on peut expliquer simplement qu'une information doit être vérifiée avant d'être considérée comme vraie.
Distinguer les faits des opinions. Apprendre à l'enfant à reconnaître ce qui relève du factuel et ce qui relève de l'interprétation ou du jugement.
Diversifier les sources d'information. Montrer qu'un même événement peut être raconté différemment selon les médias.
Décrypter les images. Expliquer que les images peuvent être trompeuses, sorties de leur contexte ou manipulées.
Proposer des jeux et activités autour de l'actualité, comme créer un journal familial, réaliser un exposé sur un sujet d'actualité positif, ou organiser des débats familiaux sur des questions de société adaptées à l'âge des enfants.
Conclusion
Parler de l'actualité avec les enfants représente un défi éducatif majeur pour les parents et les professionnels de l'enfance. Cette démarche nécessite une approche progressive et différenciée selon l'âge, allant de la protection totale pour les tout-petits à un accompagnement vers l'autonomie informationnelle pour les adolescents.
Les parents, en collaboration avec les professionnels comme ceux d'O2, peuvent créer un environnement propice au dialogue où les enfants se sentent libres de poser leurs questions et d'exprimer leurs émotions face à l'actualité. En privilégiant une information adaptée, contextualisée et porteuse de sens, ils contribuent à former des citoyens éclairés, capables d'appréhender la complexité du monde sans se laisser submerger par elle.
L'actualité, même difficile, peut ainsi devenir une opportunité d'apprentissage et d'échange au sein de la famille, favorisant le développement de l'empathie, de la pensée critique et de l'engagement citoyen chez les plus jeunes. Elle permet également de transmettre des valeurs essentielles comme la solidarité, le respect de la diversité et la responsabilité collective face aux défis de notre temps.
En définitive, parler de l'actualité avec les enfants, c'est les aider à grandir dans un monde complexe en leur donnant les clés pour le comprendre et, peut-être, contribuer à le transformer positivement.
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